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DIAL 2819
BRÉSIL - Pour la première fois dans le sud de l’État du Pará : deux policiers de la police civile sont condamnés pour tortures
samedi 16 juillet 2005, mis en ligne par
Dans un pays - le Brésil - et tout particulièrement dans un Etat de ce pays - le Pará - où l’impunité sévit fréquemment aussi bien à l’égard de grands propriétaires terriens que de membres des forces de l’ordre, la nouvelle d’une juste sentence de condamnation mérite d’être mentionnée. Elle est une « grande victoire de la société civile organisée » et la preuve que les choses peuvent changer.
Pour la première fois dans le sud de l’Etat du Pará, deux policiers civils ont été condamnés pour crime de torture respectivement à 8 ans et 5 ans et 4 mois de prison, le 14 avril 2005, par le juge de Xinguara. Les faits avaient eu une répercussion nationale et internationale. En juin 1999 l’adolescent W., âgé de 15 ans, avait été détenu 3 jours dans le commissariat de police de Xinguara où il fut battu et menacé de mort à l’intérieur et à l’extérieur du commissariat, sans que sa mère, une professeur, n’en fut informée. À sa sortie, l’adolescent souffrait de graves perturbations mentales qui rendirent nécessaire son hospitalisation pendant plusieurs mois. La victime est encore actuellement en traitement médical dont les dépenses sont payées par le gouverneur du Pará grâce à une décision judiciaire.
A partir de ce cas avait été divulgué dans la presse nationale et internationale un dossier constitué par la Commission pastorale de la terre de Xinguara, signé par 13 organisations religieuses et de droits humains, présentant de nombreux cas de violence et de torture, certains suivis de mort, pratiqués par des policiers civils dans les commissariats du sud du Pará contre des détenus, y compris des adolescents. Alors que le dossier était publié, une pétition était adressée aux autorités, signée par plus de 6 500 personnes, dénonçant ces faits et demandant de rigoureuses sanctions.
L’affaire prit une dimension nationale et internationale. Le Rapporteur spécial de l’ONU sur les tortures, Sir Nigel Rodley, lors de sa visite au Brésil en 2001, reçut et entendit personnellement le jeune W. Amnesty International choisit ce cas comme un des 10 cas emblématiques pour sa campagne mondiale contre les tortures, en 2001.
La réaction de la police civile du Pará fut extrêmement violente contre la victime, sa mère, son avocat, le frère Henri Burin des Roziers et les témoins, pour faire obstruction à l’enquête et au procès. Le commissaire en chef de la police civile du Pará attaqua dans tous les médias la personne du frère Henri, l’accusant en particulier d’être impliqué dans l’assassinat d’un fazendeiro. Plusieurs enquêtes de police avaient alors été ouvertes contre lui.
Sous la pression nationale et internationale furent désignés un commissaire et un procureur spécial, ainsi qu’un nouveau juge pour accompagner l’enquête et le procès contre les policiers accusés de torture. Plusieurs examens médicaux, y compris de l’Institut médico-légal de la police civile du Pará, confirmèrent que les troubles mentaux du jeune W. étaient la conséquence des tortures dont il avait été victime dans le commissariat de police de Xinguara. Plusieurs témoins, y compris des détenus, déclarèrent que W. avait été battu dans le commissariat. Le 14 avril 2005 le juge de la circonscription de Xinguara, Christian Arantes e Silva, a condamné les deux policiers, Raimundo Monteiro à 8 ans de réclusion parce qu’il est impliqué dans un autre procès pour crime de torture, et Raymond da Cruz Pacheco à 5 années et 4 mois de réclusion, les deux en régime fermé et avec perte de leurs fonctions dans la police. Le juge a absous le commissaire de police Sandro Rivelino da Silva, faute de preuves. Le commissaire Sandro est pousuivi en justice pour un autre crime de torture avec homicide.
Ces condamnations sont une grande victoire de la société civile organisée et de la justice dans le combat contre la pratique de la torture par des policiers du sud du Pará. Il est important de noter que, à partir de 2001, les cas de torture dans les commissariats de police de la région ont diminué.
Cependant les deux policiers condamnés vont rester en liberté en attendant qu’il soit statué sur leurs recours, ce qui peut durer des années. On raconte dans la région que ces policiers ont fait savoir que s’ils étaient condamnés, ils se vengeraient. Nous manifestons notre préoccupation pour la vie de la victime, pour celles de sa mère, du juge, du procureur de Xinguara et des avocats de la Commission pastorale de la terre, parties civiles, qui suivent cette affaire. Ces policiers vont-ils continuer à appartenir à la police ? Vont-ils continuer à exercer leurs fonctions dans le sud du Pará ? Le jugement des recours va-t-il être accéléré ?
Xinguara, 6 juin 2005
Signataires :
Frère Henri B. des Roziers, Commission pastorale de la terre.
Terezinha Calvacante Feitosa Comité Rio Maria.
José Davi Passos, Maire de Xinguara. Valdir Manoel da Silva, président de la municipalité de Xinguara.
Padre Pedro Colombara, Eglise catholique de Xinguara Paroisse São José Carpinteiro.
Pastor Vailton José Neris, Eglise Assemblée de Dieu du Brésil.
Mary Heliane Marques, Conselho Tutelar.
Everaldo Silva Mendes Amarildo Paulino da Silva, ACIAPA-Xinguara
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La lenteur du Tribunal de justice du Pará
Le propriétaire terrien Vantuir Gonçalves de Paula a été condamné par le Tribunal de Jury de Belém, le 23 mai 2003, avec Adilson Laranjeira, ex-maire de Rio Maria, à 19 ans et 10 mois de prison, comme commanditaires de l’assassinat du syndicaliste de Rio Maria, João Canuto de Oliveira, qui a eu lieu le 18 décembre 1985.
Vantuir Gonçalves n’a pas déposé de recours dans le délai légal et la sentence de condamnation est devenue définitive le 28 mars 2005. En conséquence il devrait être en prison depuis la fin du mois de mars, mais de façon scandaleuse la sentence de condamnation n’a pas encore été exécutée en raison de la lamentable lenteur et de la bureaucratie du Tribunal de Justice.
Le procès de João Canuto a duré 18 ans, ce qui a justifié la condamnation du gouvernement du Brésil par la Commission interaméricaine des droits humains de l’Organisation des Etats américains (OEA).
Nous suggérons de manifester votre préoccupation à la présidence du Tribunal de Justice du Pará et demander que l’emprisonnement de Vantuir Gonçalves de Paula soit décrété d’urgence.
Ecrire à :
Desembargador Milton Nobre,
Presidente do Tribunal de Justiça do Estado do Pará
Largo São João s/n Cidade Velha 66015-260 Belém PA
Fax : (91) 32182454
Márcio Tomaz Bastos
Ministro da Justiça
Esplanada dos Ministérios
Bloco T - Ed. Sede – 4° Andar
70.064-900 Brasília DF
Fax : (61) 3226817
(Texte rédigé d’après un communiqué du Comité Rio Maria du 15 juin 2005)
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Le Prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux 2005
est décerné au frère Henri Burin des Roziers
« L’hommage des avocats à un avocat »
PARIS – 23 mai 2005 – Le Xème Prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux, décerné par le Jury réuni à la Maison du Barreau à Paris, le 23 mai 2005, à l’occasion du vingtième anniversaire du Prix, a été attribué à :
Henri Burin des Roziers
75 ans,
prêtre dominicain,
avocat au Brésil depuis 1984
qui se consacre à la défense des « sans terre »
dans l’Etat du Pará,
comme avocat de la Commission pastorale de la terre.
Depuis 1999, sa tête est mise à prix d’après une liste publiée par le journal Estado de Sao Paulo, comme l’était celle de la missionnaire américaine, Dorothy Stang, assassinée par des tueurs à gages le 12 février 2005. Depuis le 23 février 2005, Henri Burin des Roziers a été placé sous protection policière de cet Etat à la demande de l’Ordre des Avocats du Brésil.
Le Prix Ludovic-Trarieux, d’une valeur de 5 000 euros, récompense « un avocat sans distinction de nationalité ou de barreau, qui aura illustré par son oeuvre, son activité ou ses souffrances, la défense du respect des droits de l’Homme, des droits de la défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l’intolérance sous toutes leurs formes », sous la dénomination de Prix international des droits de l’homme.
Le Prix est décerné conjointement par l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bordeaux, l’Institut de formation en droits de l’homme du Barreau de Paris, l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bruxelles et l’Institut des droits de l’homme des avocats européens - European Bar Human Rights Institute (IDHAE).
Le Prix sera remis en octobre prochain au lauréat dans une des villes où l’un des instituts exerce son activité.
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2819.
– Traduction Dial.
– Source : portugais
En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.