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DIAL 3724
PARAGUAY - Des voisins font face à un procès après avoir dénoncé la pollution d’un abattoir à Luque
Josue Congo
vendredi 20 décembre 2024, mis en ligne par
Toutes les versions de cet article : [Español] [français]
Cet article de Jose Congo a été publié sur le site paraguayen El Surti le 30 août 2024 [1]. Il se termine en indiquant que la quatrième audience du procès devait se tenir le 3 septembre. Depuis lors, il y a du nouveau : le 18 septembre, la plaignante a été déboutée, le juge ayant considéré que l’accusation pour diffamation ne disposait pas des preuves nécessaires pour l’étayer.
La direction d’un abattoir de chevaux fait un procès en diffamation aux habitants du quartier Parque. On redoute que cela constitue un précédent contre les défenseurs de l’environnement.
Les personnes qui vivent à proximité de l’abattoir de chevaux Tío Kele ne peuvent parfois pas sortir dans leur jardin ou y boire leur tereré [2], à cause de l’odeur. Elles ne peuvent pas non plus jouer dehors avec leurs enfants ou y fêter un anniversaire. C’est ce que font apparaître les témoignages des habitants du quartier Parque de Luque recueillis par l’association de quartier. Ils racontent que l’incinération des os des animaux a surtout lieu la nuit. « J’ai été réveillé à 5 h 45 du matin par la puanteur d’os brûlés qui parvenait jusqu’à l’intérieur de chez nous. Je suis sorti dans la rue et j’ai vu une fumée qui montait très haut au-dessus de l’abattoir », rapporte l’un d’eux. Et c’est pire quand il fait chaud car cela attire les mouches.
Le 9 août 2022, des fonctionnaires du ministère de l’environnement sont venus effectuer un contrôle de l’abattoir après avoir reçu une plainte anonyme sur leur page web, qui signalait l’incinération illégale des os de chevaux dans l’établissement. Les inspecteurs ont consigné dans leur déposition que, quand ils s’y sont rendus, « ils n’ont pas senti d’odeurs insupportables ».
Même si la plainte était anonyme – une mesure de protection que le MADES [3] met à la disposition des citoyens pour les dépôts de plainte –, le 22 août de la même année, Catalina Rolón administratrice de l’abattoir, a attaqué pour diffamation et injures Raquel Aguilar, María Glauser et Marcos Glauser, membres de l’association de quartier de Parque, à Zárate Isla.
L’association avait déposé des plaintes contre l’abattoir depuis au moins 2017 devant diverses instances. En avril 2021, un total de 87 habitantes et habitants ont accusé Tío Kele devant le MADES et le bureau du procureur, pour émissions d’odeurs nauséabondes issues des restes en putréfaction d’animaux et de l’incinération des os à l’air libre. Ils ont également fait savoir que l’entreprise jetait des déchets dans la rivière Paso Carreta qui traverse la propriété de l’abattoir.
Après cette plainte, la même année, la municipalité de Luque a inspecté l’établissement. Comme mesure d’urgence, la mairie a ordonné la fermeture temporaire de Tío Kele en septembre 2021.
Le jugement oral et public contre les trois habitants attaqués s’est ouvert cette année. Les habitants redoutent que, si ce type d’action avait du succès, « cela découragerait et intimiderait les citoyens afin qu’ils ne portent pas plainte pour des dommages environnementaux de peur d’être eux-mêmes attaqués comme les personnes qui font face aujourd’hui à une procédure pénale ».
Pour les habitants, avoir un abattoir à proximité affecte leur qualité de vie. « Il est impossible de vivre dans un quartier aussi beau où des choses de ce type arrivent. Des eaux infestées, des déchets dans la rivière. C’est un crime écologique, un crime contre les personnes », explique l’un des habitants. Les charognards posés sur les arbres en attente des carcasses d’animaux sont une carte postale typique de la zone comme nous avons pu le constater nous-mêmes lors d’une visite du quartier cette semaine.
L’avocat Walter Isasi, qui assure la défense de María et Marcos Glauser, a expliqué à El Surti que la personne qui a porté plainte pour diffamation n’est pas la propriétaire de l’abattoir et, par conséquent, n’est pas la responsable légale chargée de protéger l’honneur de l’établissement. Le propriétaire est Eugenio Rolón Trigo.
Des articles d ABC Color signalent que Rolón Trigo a été inculpé en 2012 pour traitement illégal de déchets et pour le fonctionnement de son abattoir sans possession de la licence nécessaire. En 2017, le MADES l’a condamné pour avoir rejeté des effluents non traités dans la rivière Paso Carreta. Deux ans plus tard le ministère l’a à nouveau contrôlé et découvert des irrégularités dans l’infrastructure, avec notamment l’absence de mur isolant de l’une des cuves de traitement proche de la rivière.
Le 3 septembre devait se tenir la quatrième audience du procès contre les trois voisins. Une présentation de preuves documentées et une visite de l’abattoir sont prévues.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3724.
– Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
– Source (espagnol) : El Surti (Paraguay), 30 août 2024.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] L’édition du texte était à la charge de Romina Cáceres.
[2] Le tereré, mot guaraní, désigne une boisson à base de feuilles de yerba mate et d’eau avec beaucoup de glace, à laquelle on ajoute généralement des pohã ñana, des herbes médicinales – NdlT.
[3] Ministère de l’environnement et du développement durable – NdlT.