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DIAL 2604

ARGENTINE - “Dieu n’est pas du côté de ceux qui oppriment”

dimanche 1er décembre 2002, mis en ligne par Dial

Le texte ci-dessous est une « lettre aux communautés » rendue publique à l’occasion de la seizième rencontre annuelle d’un groupe de 83 prêtres argentins qui « ont fait l’option pour les pauvres ». Cette rencontre a eu lieu à San Miguel, Argentine, le 22 août 2002.


Chères sœurs et chers frères,

Comme prêtres cherchant à vivre et à servir au milieu des pauvres, nous nous sommes retrouvés cette année au cours de notre 16ème rencontre annuelle. Nous sommes quatre-vingt trois prêtres de différentes régions de notre pays.

Devant la tristesse et le découragement que ressent la majorité de notre peuple, nous voulons vous dire que nous sommes déconcertés comme vous. Nous savons que souvent on ne voit pas d’issues et que l’on ne parvient pas à percevoir l’horizon. Et nous savons également qu’il est impossible de déplacer la plupart des pierres qui sont sur notre chemin. Les forces qui nous oppriment paraissent toutes-puissantes. Mais nous savons aussi que Dieu est du côté des victimes, parce qu’il est un Dieu père des pauvres, un Dieu qui a chez les pauvres ses préférences.

Regardant notre réalité à partir de la foi qui nous réunit, nous voulons toutefois vous dire ce que nous voyons et ce que nous espérons :

• Devant tant de confusion et de découragement, nous voyons clairement qu’il y a des chemins qui conduisent à la mort et des projets qui sont destructeurs. Ils sont incarnés par des caudillos aux fausses promesses, des dirigeants qui ne sont que les gérants du système et qui, spécialement pendant des campagnes électorales corrompues, ne recherchent que leur maintien au pouvoir et le soutien en faveur d’une politique au service du marché. Et en dépit de toute la publicité qu’ils font et des solutions supposées magiques qu’ils présentent, ils conduisent en réalité à plus de chaos et à une mort encore plus certaine, la même qu’ils semèrent eux-mêmes au cours des étapes antérieures de leur carrière.

• Derrière les discours de violence et de fausse sécurité basée sur la terreur - la mano dura ou de soi-disant alternatives « militarisées » -, on voit clairement qu’il y a des forces obscures qui ont partie liée avec les vieilles répressions, des disparitions terribles et d’horribles attentats contre la vie. Ce faisant, les responsables ne cherchent qu’à conserver leur impunité dissimulée sous la terreur et la peur.

• Face aux prétendues solutions économiques, spécialement encouragées par les fonctionnaires étrangers en visite "touristique" dans notre pays et chez les pauvres, et face à une attente quasi messianique de l’aide en provenance des organismes financiers internationaux qui sont responsables de l’escroquerie et de la rapine dont a souffert notre pays, nous voyons clairement que les modèles économiques qu’ils encouragent et prétendent développer, non seulement ne contiennent aucune solution, mais impliquent une aggravation de la crise et une mort encore plus sûre.

• Face à la recherche, de la part des autorités, d’institutions crédibles qui puissent servir d’écran à leur surdité masquée en dialogue, nous savons sûrement qu’aucune recherche de solutions authentiques et de chemins de vie ne peut avoir lieu sans que ne soient reconnus clairement les victimes et les victimaires de notre situation, et sans que ne soit écoutée de façon privilégiée la voix des pauvres, en prenant partie de façon irrévocable et inconditionnelle pour leur vie. En ce sens, nous ne comprenons pas une Table de dialogue à laquelle les pauvres n’ont pas la parole alors que l’ont les banquiers et les chambres patronales. Une Table à laquelle on « dialogue » à partir des lieux mêmes du pouvoir tandis que les faibles ne sont que des présences muettes à une Table où ils n’ont pas été invités.

Nous sommes convaincus qu’« un autre monde est possible », bien que le chemin soit incertain. Nous savons que nous ne pouvons et ne voulons pas le construire sans vous, que nous sommes plus forts en communauté et que, à cause de cela, d’autres cherchent constamment à nous diviser pour « nous dévorer de l’extérieur ». Comme pasteurs du peuple de Dieu, nous voulons être la voix de ceux qui n’ont pas de voix, et qui veulent crier leurs indignations et leurs propositions dans les rues, sur les places, dans les quartiers.

À cause de tout cela et face à la réalité qui est la nôtre, nous voulons dire :

Dieu, le Père de Jésus, n’est pas du côté de ceux qui oppriment, mentent et cherchent à utiliser les pauvres pour les prochaines élections. Dieu est du côté de ceux qui luttent pour le pain et le travail, Dieu est du côté de ceux qui cherchent, dans la solidarité et la justice, des espaces de lumière et d’espérance.

Dieu ne veut pas que le travail manque, que la vie soit menacée et sans horizons ; Dieu veut que tous puissent avoir un travail digne et stable, un salaire juste et une famille en paix.

Dieu ne veut pas que les puissants soit impunis, et que la justice soit à leur service ; Dieu veut une justice qui défende la vérité et la cause des faibles et des victimes.

Dieu ne veut pas que l’intolérance, la corruption, la violence et le mensonge président à la gestation d’une Argentine supposée nouvelle. Dieu veut que nous soyons capables, à partir de notre pauvreté, de créer des liens de solidarité, de paix et de fraternité, parce que personne n’est de trop parmi nous ; et nous croyons que la résurrection de Jésus se manifeste dans la révolte, la résistance et le refus que la mort soit le dernier mot de l’histoire.

Cela nous le savons, et c’est pourquoi nous affirmons notre engagement à travailler pour « descendre de la croix les peuples crucifiés », en étant une véritable « Église samaritaine » engagée par miséricorde à l’égard de ces frères que d’autres dépouillent et laissent à moitié morts sur le bord du chemin. Nous savons que nous serons ainsi fidèles à Jésus et à nos frères plus pauvres, comme l’a proclamé la Vierge Marie dans le Magnificat (Luc 1, 46-55).

Nous ne voyons pas clair, mais nous savons de quel côté est Dieu, et nous voulons être là. Aussi voulons-nous vous demander en toute humilité de nous aider à être toujours fidèles au Dieu des pauvres, au Père de Jésus.

Aidez-nous à être toujours de votre côté, pour aller sur les chemins qui conduisent à la vie et au service de Jésus dans les pauvres.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2604.
 Traduction Dial
 Texte (espagnol) envoyé par les auteurs et daté du 22 août 2002.

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