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DIAL 2292 - Document de Guayaquil et appel de Huaquillas
ÉQUATEUR - Histoire des communautés ecclésiales de base de Guayaquil. Rétrospective des années 1987-1998
vendredi 16 avril 1999, mis en ligne par
L’histoire des communautés de base de Guayaquil, deuxième ville de l’Équateur, est significative d’un courant toujours actif au sein de l’Église latino-américaine. On trouvera dans ce récit-témoignage la vive conscience d’être l’Église des pauvres, le désir ardent de rendre l’institution ecclésiale plus conforme à l’esprit évangélique et la volonté d’une présence active dans la société civile et politique afin de construire un monde plus juste. Le texte original de ce document polycopié est daté de juin 1998 à Guayaquil.
Nous y avons joint un appel lancé en date du 18 février 1999 par les communautés ecclésiales de base de Huaquillas, El Oro (Équateur), pour un « Chemin de Croix continental » en faveur de l’annulation de la dette extérieure.
(...)
Nous pouvons dire que la naissance des communautés ecclésiales de base en tant qu’Église des pauvres a été accompagnée par la théologie de la libération. Celle-ci a été et reste valable pour nous autres, les pauvres. Elle nous a permis de découvrir un Dieu tellement proche de notre vie, tellement solidaire de notre situation de mort, et tellement fort qu’il nous pousse à changer cet état de mort pour un état de vie ; un Jésus qui s’incarne dans les visages des enfants, des femmes et des hommes souffrants, suppliant et luttant pour faire advenir sur ces visages la joie et la paix. Dans les communautés on vit de façon intense et active la solidarité qui donne naissance à des femmes et des hommes nouveaux. Nous ne pouvons donc pas enterrer cette théologie : il n’en est pas d’autre qui soit capable de nous proposer quelque chose comme le cantique du Magnificat de Marie, notre mère. (...)
Comment nous avons œuvré pour la libération au sein du mouvement populaire
Nous allons parler à présent de notre évolution interne, de l’engagement politique que nous avons assumé durant ces onze ans en tant que membres de notre peuple mais aussi en fonction de notre foi et de notre identité de communautés ecclésiales de base. Une lecture d’un passage de la Bible peut éclairer notre engagement politique en tant que membres des communautés ecclésiales de base. « Ce n’est pas contre des forces humaines que nous luttons, mais contre les régisseurs et les autorités qui dirigent ce monde et ses forces obscures. Nous affrontons les esprits et les forces célestes du mal. » (Ep 6,2)
a) Nous sommes l’Église dans le processus de libération de notre peuple.
Nous ne nous demandons plus si nous devons ou non participer à la lutte populaire et politique. Notre question est de savoir comment bien le faire et avec quels partenaires, afin d’obtenir des avancées dans cette situation de mort qui s’abat sur les plus pauvres de notre pays. À partir de notre vie quotidienne dans les communautés ecclésiales de base, sont nés des coopératives de consommation, des boutiques communautaires, une organisation de femmes, des ateliers d’artisanat, et une panoplie de services qui nous permettront non seulement de faire face aux besoins urgents, mais aussi de nous préparer politiquement pour faire reculer la pauvreté. Nous avons toujours participé aux manifestations populaires de la ville organisées pour célébrer les anniversaires des luttes que nos pères, nos aïeux, nos ancêtres, ont menées pour leur libération, comme par exemple, le 1er mai,
la Journée de la femme, le 12 octobre [1], les massacres de Guayaquil et de Aztra, le 10 décembre...
b) Nous sommes une Église qui fait corps avec nos racines indigènes.
En 1990 est né un phénomène nouveau qui est devenu pour nous un véritable défi : il s’agit d’un grand mouvement né chez les indigènes pour faire mémoire des 500 ans de l’invasion de l’Amérique par les Espagnols. Sur le thème « 500 ans de résistance indienne, noire et populaire », nous avons été invités, en tant que « chrétiens de base » car c’est ainsi que nous appellent les indigènes, à participer aux actions mises en place pour dégager le vrai sens de la conquête qui était présentée par les autorités du pays et par l’Église comme « une rencontre avec des frères qui nous apportaient l’évangélisation et la culture ». Dans nos communautés ecclésiales de base, nous nous sommes mis à réfléchir à partir de notre foi et de notre réalité de pauvres. Nous avons étudié huit questions à la lumière de la Parole de Dieu. Cela nous a permis de découvrir que Dieu n’est pas arrivé chez nous voici cinq cents ans mais qu’il a toujours été présent, en ce pays, au milieu de nos ancêtres. La preuve en est qu’ont toujours existé la vie, l’amour de l’homme, de la femme, de la nature, avec tout ce que cela implique du point de vue de l’organisation sociale et que tout cela perdure aujourd’hui avec ou sans la religion catholique, sous des modalités différentes, comme par exemple :
– économiques, incluant le partage, l’amour de la terre et tout ce qui relève de l’environnement,
– politiques dont l’élément de base est la communauté puisque c’est elle qui prend les décisions et assume ses différentes responsabilités,
– religieuses qui induisent une grande ouverture sur la transcendance et s’expriment par des célébrations qui resserrent les liens fraternels de toute l’humanité. Dans cette perspective, le soleil devient le signe de la force de l’Être supérieur qui nous donne la vie,
– culturelles et idéologiques par la médiation de la musique, de la peinture, de la poésie, etc., le tout débordant de couleur, d’énergie et de vie.
Cette pensée se transmet de génération en génération grâce aux anciens qui eux-mêmes respectent leurs aïeux, défendent leur terre afin de pouvoir la conserver et la transmettre telle qu’elle est en vérité pour eux, c’est-à-dire la Mère qui donne la vie.
c) Les communautés ecclésiales de base en tant qu’organisation populaire.
Une autre étape importante a été franchie, en dehors de l’organisation interne des communautés ecclésiales de base, à l’occasion d’un atelier auquel nous avons participé avec les communautés ecclésiales de base de Guayaquil : cet atelier réunissait des camarades des organisations populaires, des étudiants de l’Université polytechnique et de l’Université d’État. Savez-vous qui nous avons invité pour animer cet atelier ? Les indigènes. Ce fut une très belle réunion dont nous avons tiré les conclusions suivantes :
– On ne peut pas dire que les Espagnols ont découvert notre pays mais bien plutôt qu’ils nous ont envahis et pillés, qu’ils ont répandu la terreur en tuant et en détruisant une part importante de notre culture.
– À de très rares exceptions près, ils nous ont imposé une religion au nom de laquelle ils nous ont écrasés, après avoir détruit notre foi et notre religion.
– Il nous est indispensable de bien connaître notre histoire pour pouvoir interpréter correctement le présent et nous projeter convenablement dans le futur.
– Notre pays ne connaîtra un réel changement social que grâce à l’union de tous ceux qui ont été spoliés : indigènes, Noirs, marginaux de la ville et de la campagne, femmes, jeunes sans travail...
Ensuite, en présence de nos amis indigènes nous avons montré le travail qui s’est fait dans cet atelier, dans divers quartiers de la ville, grâce à des films, des fascicules, de la musique typique, etc.
Concrètement, ce qui s’est vécu dans cet atelier s’est manifesté lors des rassemblements du 12 octobre 1991, dans la partie ouest de Guayaquil. Nous avons participé à la marche organisée par les autorités en ayant une nouvelle vision de la fameuse célébration du cinquième centenaire. Les autorités ont été surprises et même troublées, en particulier par un grand drapeau représentant un arc-en-ciel, symbole d’unité et de résistance, fondé sur notre solidarité avec les indigènes.
La cinquième étape fut une mobilisation nationale : en juin 1992 fut organisé dans la Sierra et dans l’Oriente le « Soulèvement indigène » [2] considéré comme un des événements les plus importants de la libération de notre pays et de notre continent. En quoi cela nous concernait-il, nous les communautés ecclésiales de base ? Nous nous sommes réunis, hommes et femmes qui faisions partie du Comité du 500ème anniversaire et nous nous sommes demandé pourquoi nous restions là, les bras croisés, sans rien faire et quelle pouvait être notre participation. C’est ainsi que nous avons décidé d’organiser une marche en centre-ville et d’occuper l’église de San Francisco. Ce qui fut fait. De sorte que, à partir de notre propre organisation, nous avons pu participer au soulèvement national des indigènes.
À la suite de cet événement, nous avons pris conscience, dans les divers secteurs des communautés ecclésiales de base, de la nécessité de nous renforcer et de nous constituer en organisation populaire ayant ses caractéristiques propres, et sachant demeurer indépendante des autres dirigeants et organisations populaires. C’est ainsi qu’est née en juin 1991, la « Coordination populaire du Guayas » qui devint l’espace permettant aux communautés ecclésiales de base de réfléchir, d’organiser et de coordonner, en lien avec d’autres organisations, les décisions politiques que nous devions prendre pour mener à bien les luttes qui s’imposaient tant au plan de la province qu’à celui de la nation.
Tout cela a permis que se consolident les bases d’un véritable pouvoir populaire qui s’enracine dans les quartiers. Nous qui nous trouvons à la tête de ce mouvement en tant que responsables populaires de nos sections, nous constatons que nous sommes respectés et que nos propositions sont reconnues comme valables dans des sphères plus larges, aussi bien dans d’autres provinces qu’au niveau national, par exemple au sein de la « Coordination des mouvements sociaux » où nous avons des représentants. Cela nous permet d’envisager ensemble les actions qu’il convient d’engager contre le néolibéralisme, comme le non-paiement de la dette extérieure ou le refus des privatisations et de la corruption ; ou encore des opérations pour promouvoir une société plus juste et plus solidaire, comme la défense des droits de l’homme, le soutien au comité des disparus, etc.
d) Renforcement de notre action politique populaire.
C’est alors que nous avons décidé de participer au mouvement politique Pachakutik, ce qui signifie « Nouveau pays », mouvement qui est né de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE) [3]. En raison de cette appartenance, nous participons aux campagnes électorales ; et, depuis un an et demi, nous comptons parmi les membres de notre Congrès national sur la présence de cinq camarades indigènes qui ont un moral d’acier. Tout cela nous a permis de présenter des propositions politiques telles que « Démocratie nouvelle » et « État plurinational » que nous avons élaborées lors de l’évaluation de la Campagne du 500ème anniversaire, sur des bases politiques, économiques et idéologiques ayant pour objectif, à partir de la vision indigène du monde, de promouvoir une vie sociale plus humaine et plus fraternelle, de respecter et de faire respecter nos cultures, de veiller à la protection de l’environnement et au respect des droits de l’homme.
Le 12 octobre dernier, nous avons participé à la préparation puis à la célébration de la grande Assemblée populaire constituante qui réunissait des représentants de tous les secteurs populaires de la société équatorienne : indigènes, Noirs, paysans, habitants des quartiers marginalisés, femmes, jeunes... Nous avons rédigé une nouvelle Constitution pour l’État équatorien que nous voulons [4]. Dans les cinq commissions qui y travaillaient, on a tenu le plus grand compte du point de vue des chrétiens qui étaient présents, et des valeurs du Royaume de Dieu. Ce fut quelque chose de très beau dans la mesure où, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, les rêves et les aspirations des exclus étaient exprimés dans une plate-forme nationale. Cela fut refusé par ceux qui contrôlent les différentes structures du pouvoir, mais l’important est que cela existe et serve de référence à un engagement politique populaire : quelque chose a été semé grâce aux pauvres, quelque chose qui ouvre un chemin de libération pour l’Équateur.
Quel fut notre apport, en tant que communautés ecclésiales de base, à l’Assemblée populaire constituante ? C’est assez difficile à exprimer car il s’agit d’une réalité intérieure et spirituelle. On pourrait dire qu’il s’agit d’une relation de complicité dans la mesure où nous avons vécu notre rencontre et nos échanges avec les notables indigènes, c’est-à-dire avec leurs anciens, comme une révélation de Dieu. Quelle est la volonté de Dieu sur la terre ? Que nous l’aimions, que nous la protégions, que ses fruits soient partagés en communauté afin que l’être humain vive dans la santé et le bonheur, qu’il ignore le besoin et surtout la misère... En tant que chrétiens, nous confirmons tout cela au nom de notre foi. Le principe indigène de « ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir et ne pas être oisif » non seulement ne s’oppose pas à l’Évangile mais se trouve confirmé et purifié par la mort et la résurrection de Jésus. La façon dont les indigènes pratiquent le respect, les procédures auxquelles ils ont recours pour prendre leurs décisions et exercer le pouvoir de façon collective, etc., tout cela correspond à ce que nous aussi nous vivons dans les communautés ecclésiales de base. L’idéal du Royaume fondé sur un profond respect des enfants, des femmes, des hommes, sur un esprit de solidarité avec les plus malheureux, nous fournit des points de convergence avec les principes des indigènes. On pourrait dire la même chose à propos de leur moral inébranlable, de leur culture qui recrée tout et vise à rendre les hommes libres et heureux, de leur éducation basée sur le sens de la communauté : c’est ainsi qu’ils préparent l’avènement de la nouvelle patrie.
Alors, nous nous demandons : qu’avons-nous apporté à l’Assemblée populaire constituante ? Et qu’en avons-nous reçu ? Nous leur avons dit que ce rêve d’une société de sœurs et de frères, c’est Dieu qui l’a fait le premier car il nous aime et, plus encore, il accompagne tout processus de libération des peuples. Il est l’âme de toute libération. Il nous a même donné son propre Fils pour nous montrer quel est le chemin de la véritable libération.
Nous autres, les pauvres de la ville, nous devons affronter une réalité très dure car nous n’avons ni terre ni racine qui nous permette de nous faire entendre davantage. Toutefois, à présent, nous avons la possibilité de faire en sorte que ce rêve devienne réalité en luttant de façon coordonnée et solidaire entre indigènes, Noirs et métis tout en respectant nos différentes identités. Nous avons un projet commun et, en tant qu’Église des pauvres, nous devons relever le même défi : libérer notre patrie par l’instauration d’une nouvelle démocratie et d’un État plurinational [5].
e) Les pauvres qui s’organisent sont le Royaume de Dieu
À travers les luttes conjoncturelles que nous menons au niveau national à l’encontre des privatisations, nous autres, paysans et mouvements sociaux, commençons une campagne de lutte pour la défense des richesses naturelles du pays. Notre foi nous apprend que la terre appartient à Dieu qui nous l’a prêtée pour que nous y vivions heureux, en frères. Les riches s’imaginent être les maîtres de tout et ils veulent, dans la logique néolibérale, nous arracher ce qui peut nous permettre de garantir notre existence. Si l’on privatise les richesses naturelles et stratégiques, où trouvera-t-on
l’argent nécessaire aux dépenses sociales ? Il n’y a pas de doute : la privatisation est l’œuvre du démon car elle aboutit à tuer les pauvres dans les plus brefs délais.
Nous nous sommes engagés dans la Coordination populaire car nous nous rendons compte qu’un projet de mort s’oppose à un projet de vie. C’est pour mener cette action que la Coordination des mouvements sociaux est née dans le pays. Elle commence à se manifester tant au niveau des provinces qu’au plan national. Nous les « chrétiens de base », n’avons jamais été marginalisés. Bien au contraire, ils nous appellent à travailler avec eux, nous respectent, accueillent nos propositions, apprécient le travail que nous faisons dans les quartiers car nous ne nous sommes pas vendus aux politiques. Du fait que nous avons la conscience propre et que nous n’avons pas cessé pendant 20 ans de soutenir ce processus de libération, on nous écoute. Il est certain que cela ne fut pas facile car la majorité des permanents de la pastorale s’opposent à nous et veulent nous faire disparaître, les dissidents des mouvements de la gauche intellectuelle restent en arrière attachés à leurs idéaux caducs et à leurs pratiques sectaires, les dirigeants ouvriers se sont vendus aux organisations patronales...
Actuellement nous participons au combat politique engagé par le mouvement politique Pachakutik, certains d’entre nous comme candidats, les autres appuyant la campagne lancée par le mouvement. Nous agissons ainsi car nous voulons que le peuple équatorien ait connaissance d’une proposition alternative face au projet néolibéral, qu’il prenne conscience de l’oppression qu’il subit, qu’il s’organise et prenne sa place dans la Coordination des mouvements sociaux. Nous cherchons aussi à ce qu’il y ait une meilleure coordination entre toutes les organisations populaires et qu’ainsi nous participions à l’activité politique et électorale. De sorte que nous élargissions notre représentativité dans les instances locales du pouvoir : mairies, conseils municipaux, conseils, parlement, ce qui nous permettra de renforcer notre pouvoir populaire, en manifestant notre solidarité avec ceux et celles qui ont donné leur vie pour qu’elle soit une semence de la nouvelle société de frères et de sœurs que nous voulons construire dans ce pays.
les défis que nous, église des pauvres, nous devons releverà l’heure actuelle, ces défis sont les suivants :
a) Premièrement au niveau interne :
– Consolider les communautés ecclésiales de base qui existent et les multiplier partout.
– Poursuivre, de façon permanente, la formation « Foi et Politique ».
– Rechercher des lieux de rencontre, de réflexion et de confrontation avec notre hiérarchie afin de nous purifier mutuellement.
– Participer aux événements et aux rencontres ecclésiales, tant au niveau provincial que national, pour nous rassembler, nous conforter et ce dans le respect de l’autonomie et de l’identité de chacun, en particulier des indigènes et des Noirs.
– Engager des actions de lutte prophétique spécifiques de l’Église des pauvres afin d’être, avec d’autres croyants, lumière du monde.
b) Ensuite, en tant qu’organisation populaire :
– Que la Coordination populaire soit un espace de réflexion, d’unification et de décision orienté vers l’action politique.
– Que nous consolidions les organisations populaires existantes et en suscitions d’autres à travers les différents secteurs sociaux des quartiers comme les jeunes, les femmes, les enfants, les vendeurs ambulants...
– Que nous entrions en contact avec d’autres organisations sociales de base, et soyons ouverts à d’autres
organismes populaires comme l’Assemblée du Peuple de Dieu, le Service Justice et Paix, les droits de l’homme, l’écologie...
– Que nous prenions en charge la formation d’un plus grand nombre de dirigeants de base.
– Que notre présence au sein de la Coordination des mouvements sociaux, au niveau provincial et national, soit active, solidaire et fasse preuve d’esprit critique.
– Que nous participions aux manifestations et aux luttes provinciales et nationales.
– Que perdure notre coopération avec le mouvement Pachakutik en maintenant notre critique constructive afin que soient confirmées les lignes de force qui structuraient la proposition « Démocratie nouvelle » et « État plurinational ».
c) Et finalement, au niveau latino-américain :
– Établir des liens avec des communautés ecclésiales de base d’autres pays.
– Renforcer la solidarité internationale entre peuples en lutte contre le néolibéralisme, la dette extérieure, le commerce injuste, la spoliation de nos richesses et de notre savoir... afin de créer des liens d’économie solidaire, de médecine alternative et de vie fraternelle...
Au début de cette lettre, nous avons fait une citation de la Parole de Dieu ; nous voulons la terminer avec une autre citation tirée du début et de la fin de la Bible : « Dieu vit que tout ce qu’il avait fait était bon. Il y eut un soir. Il y eut un matin. » (Genèse 1,31) Celui qui siège sur le trône dit : « Voici je fais toutes choses nouvelles. » Puis il dit : « Écris : ces paroles sont certaines et véridiques. » (Apocalypse 21,5)
Seigneur, c’est toi qui as commencé ton œuvre et c’est toi qui l’achèveras. C’est pourquoi nous te rendons grâce.
Des communautés de base lancent un appel pour l’annulation de la dette
Les communautés ecclésiales de base du canton de Huaquillas, conscientes de la réalité que vit le pays, constatent que la pauvreté et le chômage s’accroissent, que les salaires stagnent en même temps que le panier de base de la ménagère dépasse les 3 millions de sucres [6], que l’éducation, la santé et l’habitat sont un luxe accessible pour une poignée de gens, que les entrepreneurs et les riches du pays se voient exonérés des impôts et que l’on gaspille 12 milliards de sucres en publicité pour l’image du président. On divise le peuple pauvre, on le divise et on le calme avec un bon de pauvreté [7], en lui disant qu’il n’y a pas d’argent, alors qu’on fait cadeau de plus de 1 milliard de sucres aux banquiers. On n’écoute pas le peuple et la complicité des médias est énorme parce qu’ils déforment et voilent la réalité. On réprime et on tue les leaders populaires, et le gouvernement élu par le peuple pour qu’il gouverne en faveur des plus démunis se met au service de la banque étrangère (Banque mondiale) et du FMI. (...)
Peut-on accepter cette attitude du gouvernement qui affiche sa préférence pour les riches vivant au pays et à l’étranger et condamne la majorité de la population équatorienne à la pauvreté, à la mort prématurée et à l’exclusion ?
Cette réalité de mort est en contradiction avec le dessein de Dieu parce qu’elle empêche que nous ayons tous droit à une vie digne. Nous sommes conviés à célébrer le Jubilé de l’an 2000 avec des actions qui promeuvent la justice. L’esprit du Jubilé dans l’Ancien et Nouveau Testament était la libération des opprimés, la restitution de la terre, la remise des dettes, tout cela afin qu’il n’y ait plus de pauvres, car la pauvreté est en contradiction avec le projet de Dieu.
Nous, les communautés ecclésiales de base, avons entrepris différentes actions pour conscientiser, dénoncer, organiser et exiger le non-paiement de la dette extérieure et le paiement des dettes sociales et écologiques.
Le mercredi 24 mars commence le Chemin de Croix continental pour le non-paiement de la dette extérieure, il partira de Huaquillas à 9 heures, sur le Pont international. Il se poursuivra par la province de Loja, Azuay, Cañar, Chimborazo, Cotopaxi jusqu’à Quito, le 1er avril, jeudi saint.
(...)
Chaque participant à ce Chemin de Croix continental portera dans ses mains une petite croix, symbole de la dette extérieure qui nous crucifie et il rentrera chez lui en la gardant avec lui.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2292.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : document de Guayaquil, juin 1998 ; appel de Huaquillas février 1999.
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Le 12 octobre on célèbre partout en Amérique latine la « fête de la race ». Fête contestée par les populations indiennes, car elle célèbre la fusion de deux identités : indienne et espagnole. (NdT).
[2] Des milliers d’Indiens, dans une manifestation inédite en Amérique latine, ont paralysé le pays en bloquant les routes. Ils exigeaient que le gouvernement donne réponse à leurs revendications sociales et culturelles (Cf. DIAL D 1511, 1541, 1695) (NdT).
[3] La CONAIE est née en 1986, elle regroupe environ 4 millions d’Indiens (Cf. DIAL D1412) (NdT).
[4] Cf. DIAL D 2188 (NdT).
[5] Cf. DIAL D 2214 (NdT).
[6] 10 000 sucres = 6,958 FF au 16 avril 1999 (NdT).
[7] Le gouvernement du président Jamil Mahuad, en 1998, a instauré « des bons de pauvreté ». Les Églises catholique et évangélique ont été chargées d’inscrire les plus nécessiteux et la « Banque privée » de gérer les fonds (cf. DIAL D 2247) (NdT).