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DIAL 2722

AMÉRIQUE LATINE - L’exode des diplômés

Armando Chávez

samedi 1er mai 2004, mis en ligne par Dial

De nombreux diplômés, notamment des jeunes, quittent l’Amérique latine en quête de travail. Les pays de destination varient selon le niveau de qualification. Il ne faut pas non plus oublier les migrations internes à l’Amérique latine, dans lesquelles prédominent des travailleurs peu qualifiés. Article de Armando Chavez, Noticias Aliadas, 14 janvier 2004.


Chaque année 700 000 diplômés sortent des centres d’éducation supérieure latino-américains, errent sans perspective de travail et sont tentés de fuir n’importe où dans le monde développé.

Des institutions régionales, comme la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), remarquent que durant les deux dernières décennies le chômage des professionnels et des techniciens – 24% de la force technique et professionnelle est mal employée dans la région – a entraîné une émigration régulière de cette force qualifiée, qui s’insère dans des domaines de moindre qualification.
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), l’augmentation du « déficit de base des emplois décents » a contribué à la croissance significative des migrations des jeunes diplômés.

Un exemple illustrant cette situation a été l’exode massif d’Argentins après la crise économique de décembre 2001.

« L’actuel flux migratoire se caractérise par son phénomène massif et la population de classe moyenne qui le compose : des jeunes avec un haut niveau de qualification et une vision pessimiste de l’avenir du pays à cause du manque d’opportunités de travail, de l’insécurité, de la corruption et des injustices » explique la spécialiste argentine Susana Novik, du Centre d’études sociologiques Gino Germani, de l’Université de Buenos Aires.

Cependant, migrer apporte rarement la sécurité et la stabilité, sauf dans des cas isolés, remarque Paula Rodriguez, doyenne de la Faculté de communication de la même université. « Quand c’est le cas, c’est après plusieurs années de résidence à l’extérieur » ajoute-t-elle.

D’après elle, il est nécessaire d’analyser en profondeur ce qu’implique la migration dans un autre pays en quête d’ « une vie plus sûre ».
Les Etats-Unis reçoivent de la main d’œuvre peu qualifiée et de bas niveau en provenance du Mexique et de l’Amérique centrale, mais celle qui arrive des Caraïbes anglophones et d’Amérique du Sud a un autre niveau de formation, ce qu’on remarque également pour d’autres destinations convoitées, comme l’Espagne.

« La population européenne décroît à cause de son faible taux de fécondité, mais le capitalisme là-bas a besoin et aura besoin de main-d’œuvre pour sa reproduction, que les Européens ne pourvoient pas » soutient Novick, et elle ajoute que le flux des professionnels latino-américains – surtout ces dernières années – « est une solution potentielle et positive à ce besoin de main-d’œuvre. »

En Amérique latine la migration intra-régionale a diminué, en partie à cause de la perte du caractère attractif des principaux pays de destination (Argentine et Venezuela), qui n’a pas été compensée par l’apparition de nouveaux pôles d’attraction (Costa Rica, Chili, République Dominicaine), selon l’interprétation des analystes de la CEPAL.

Dans les migrations intra-régionales prédominent les travailleurs peu qualifiés, insérés dans l’agriculture. Dans les villes, les hommes travaillent dans le bâtiment et les femmes dans le service domestique et de détail.

On trouve un exemple de ce phénomène dans ce qui se passe au Chili, destination convoitée par les migrants péruviens. Selon les chiffres officiels, 60 000 Péruviens vivent au Chili. Bien qu’un grand pourcentage ait fait des études supérieures, 80% des femmes travaillent comme employées de maison avec des contrats précaires et de faibles rémunérations, et l’unique possibilité d’emploi pour les hommes est d’être ouvrier dans le bâtiment.

Le fort déficit de travail décent en Amérique latine serait plus grand si le nombre d’émigrants n’avaient pas augmenté, soutient l’OIT, appuyant son analyse sur le fait qu’aux Etats-Unis, 10 millions de Latino-Américains et Caraïbéens ont des emplois décents, ce qui équivaut à 4,6% de la population active.

21,2% des immigrants latino-américains résidents en Espagne ont fait des études universitaires, note Raquel Martinez dans une étude publiée cette année par le Centre latino-américain et caraïbéen de la démographie (CELADE). Mais aux Etats-Unis, destination principale de la population latino-américaine – 51,5% de la population immigrante aux Etats-Unis est latino-américaine – seulement 11,2% ont fait des études universitaires.

Les envois en devises des Latino-Américains résidents à l’extérieur constituent un soutien non seulement pour leurs familles, mais aussi pour leurs pays. Ces revenus représentent 10% du produit intérieur brut d’El Salvador, de la Guyane, du Honduras, de Haïti, de la Jamaïque et du Nicaragua. Ils dépassent dans plusieurs cas les chiffres obtenus par les principaux secteurs d’exportation, et sont même supérieurs de 50% à l’investissement direct étranger, selon la Banque interaméricaine du développement (BID). En 2003 la région a reçu 33 milliards de dollars en envois familiaux, selon la CEPAL.

Pour Novik, les migrations auront des conséquences négatives au niveau démographique, les migrants étant de plus en plus jeunes – 75% des émigrants ont entre 18 et 40 ans – ce qui augmentera la tendance au vieillissement prématuré et entraînera une baisse de la population de ces sociétés, comme c’est le cas en Uruguay.

« On ne peut limiter la liberté et la décision des individus qui décident de migrer, souligne Novik, mais il est nécessaire d’encourager des politiques qui freinent l’exode, pour qu’il ne se transforme pas en phénomène structurel de ces sociétés. »


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2722.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 14 janvier 2004.

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