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DIAL 2305

MEXIQUE - La situation de l’enfance

COMEXANI

jeudi 1er juillet 1999, mis en ligne par Dial

L’article ci-dessous a été rédigé sur la base d’un travail du Collectif mexicain d’appui à l’enfance (COMEXANI), intitulé « L’enfance mexicaine : drame et espérance ». Il est paru dans CENCOS, avril 1999.


Au Mexique coexistent paradoxalement deux pays clairement définis : d’un côté, celui des secteurs nantis, propriétaires des biens de production et de consommation sociale, les gouvernants et la classe politique et, de l’autre côté, les grandes majorités appauvries qui voient jour après jour s’éloigner irrémédiablement l’espoir d’une amélioration de leur niveau de vie.

Parmi ces derniers se trouve un secteur particulièrement vulnérable aux effets des mesures adoptées dans les hautes sphères où se prennent les décisions politique et économique : l’enfance et la jeunesse.

La situation est particulièrement grave pour ces deux catégories, en raison des effets violents causés par la politique mise en œuvre sur la qualité de la vie tant au niveau des besoins de base (santé, éducation, alimentation, etc.) que du développement intégral de la personne. Ce dernier aspect se manifeste plus durablement dans les régions où se développent des conflits armés, comme dans les États d’Oaxaca, du Chiapas, du Guerrero, mais également dans d’autres lieux où l’État soupçonne l’existence de mouvements armés - réels ou potentiels - mouvements dont l’origine est la misère qui sévit dans de nombreuses régions du pays. Nous sommes convaincus que la situation des enfants et des adolescents de notre pays constitue le reflet fidèle de ce qui se passe à tous les niveaux de la société mexicaine.

Nous sommes convaincus que parmi les causes les plus profondes de la situation de ces enfants et adolescents il y a une conception qui prévaut dans la société : les enfants sont considérés par les adultes comme des objets, comme leur propriété, que ce soit dans les foyers ou à l’école, au travail ou au sein de la communauté. Une telle situation s’aggrave quand n’existe pas la possibilité de s’exprimer et de participer.

Pour donner une vision très générale en même temps que la plus claire possible de cette réalité, nous proposons quelques données qui reflètent les carences dont souffrent les enfants et adolescents, en différents domaines, dans notre pays.

Caractéristiques générales

Au Mexique vivent actuellement plus de 38 millions de garçons et filles âgés de moins de 18 ans qui représentent 42 % de la population. Bien que ces dernières années le taux de natalité ait connu une réduction considérable, 80 % des naissances se produisent de fait dans les familles faisant partie des 20 % de la population ayant les plus petits revenus, et 12 % de la natalité sont attribués aux adolescents.

La santé

La santé est un des droits consacrés par notre Constitution et par divers documents d’organisations internationales auxquels le Mexique a souscrit. Cependant, les conditions de vie de la majorité des familles mexicaines ne permettent pas de garantir aux enfants la satisfaction de leurs besoins en matière de santé.

Dans le cas de la nutrition infantile, on n’a pas vu diminuer considérablement le niveau de carence en vitamine A et en fer. Jusqu’en 1996 persistaient les mêmes niveaux de malnutrition existant depuis 22 ans dans les zones rurales. Les niveaux les plus élevés de malnutrition se trouvent dans les États d’Oaxaca et de Guerrero, où 70 % des enfants souffrent d’un certain degré de malnutrition.

La mortalité et la morbidité dues aux maladies diarrhéiques suivent des tendances différentes selon l’État de la République mentionné. Dans ce sens nous trouvons au Chiapas un pourcentage de 97 %, par opposition à celui de la ville de Mexico, qui est de 7 %. Cette différence n’est pas surprenante lorsqu’on constate que la couverture concernant le service d’eau potable est de 55 % pour le Chiapas alors que la moyenne nationale est de 83 %, et de 97 % pour la ville de Mexico. Toutefois, on reconnaît dans ce domaine une baisse considérable des taux de mortalité et de morbidité.

À cause du froid, il y a eu 140 victimes des basses températures, notamment au cours du derniers mois de l’année. Selon des chiffres officiels, 30 % des victimes sont des mineurs.

Finalement, là où le système mexicain de santé a le mieux réussi, c’est au niveau de l’immunisation : la couverture de vaccination atteint 88 %.

Un autre problème concernant la santé infantile est celui des grossesses d’adolescentes. De la population totale des jeunes filles âgées entre 15 et 19 ans, 10 % avaient au moins un enfant. Hormis le fait qu’avoir un enfant bloque en grande mesure la possibilité de poursuivre des études ou de travailler, les grossesses des adolescentes sont plus risquées que celles des autres tranches d’âge. Une preuve en est qu’au sein de la population juvénile l’avortement est la principale cause de mortalité.

Actuellement nous rencontrons de graves dysfonctionnements dans les systèmes de santé en ce qui concerne la mauvaise qualité des services et le mauvais accueil, le manque d’attention sanitaire pour les zones indigènes, l’inégalité généralisée dans la prestation de services et dans la concentration des dépenses.

L’éducation

Au plan de l’éducation, bien qu’au niveau statistique l’analphabétisme ne paraisse pas constituer un problème grave - il n’atteint que 7 % de la population infantile - la situation est tout autre lorsqu’on connaît les indices élevés de désertion scolaire, désertion aggravée dans les États où existent des conflits armés.

L’enfance indigène

Le pourcentage de la population indigène âgée de 0 à 19 ans représente 49 % de la population totale indigène. Compte tenu de la situation de marginalité dans laquelle celle-ci se trouve et du fait que 89,4 % de la population indigène vit dans des conditions d’extrême pauvreté, les indicateurs de santé et d’éducation montrent des caractéristiques différentes du reste de la population.

L’enfance indigène subit la misère, la malnutrition, l’analphabétisme, le monolinguisme, situation rendue encore plus grave dans le cas des filles.

Selon l’étude réalisée par le Fideicomiso sur la santé des enfants indigènes, seulement 45,6 % d’entre eux se trouvent en état de nutrition considéré comme normal. Ce problème devient plus aigu lorsque l’âge des enfants augmente : ce taux est de 43,4 % pour le groupe d’enfants de 6 ans et s’élève à 69 % pour les enfants âgés de 12 ans.

En ce qui concerne l’éducation, le niveau d’alphabétisation continue à être inférieur à la moyenne nationale.

L’enfance indigène est la première à subir les effets de la militarisation et de la migration. Le cas du Chiapas est particulièrement délicat, car à cause de la situation de guerre, des milliers de familles se sont vues contraintes à chercher un refuge dans la montagne loin de leurs communautés. Cette situation a créé pour des centaines d’enfants indigènes des problèmes graves de santé tels que diarrhées, maladies respiratoires, etc. Elle rend en plus impossible la poursuite des études.

Dans le cas des enfants qui se voient forcés à émigrer vers les villes avec leurs familles à la recherche de conditions de vie meilleures, nous trouvons plusieurs cas de travail d’enfants et d’enfants de la rue.

Pour faire face à cette situation il n’existe pas de programmes efficaces ayant des stratégies orientées vers la solution de ces problèmes.

Les enfants de la rue

Un des problèmes qui reflète avec la plus de clarté la décomposition du système qui nous régit est celui des enfants de la rue. Un étude réalisée fin 1995 par l’Unicef et le Département du District fédéral a identifié un total de 50 000 mineurs qui vivent et travaillent dans les rues à travers tout le pays. Quelques organisations du District fédéral de Mexico signalent que pendant l’actuelle administration, 10 enfants par jour (garçons et filles) sont jetés à la rue, ce qui signifie environ 3 000 ou 4 000 enfants par an. Parmi les caractéristiques de ces enfants, on peut dire que 82 % sont des garçons et le reste des filles, et que leur âge oscille entre 10 et 18 ans.

Les raisons principales qui les poussent à la rue sont l’aide économique à leurs familles, l’absence d’attention de la part des familles qui les obligent, entre autres, à travailler ou qui les maltraitent.

L’un des risques auxquels ils sont confrontés est celui de la toxicomanie. Dans le cas du District fédéral, 17,7 % du total des enfants de la rue consomment du tabac, 5 % d’autres drogues (...) et 3 % de l’alcool.

En ce qui concerne le niveau d’alimentation la situation est extrêmement grave car au cours de l’unique ou des deux repas quotidiens, la majorité consomme des aliments peu nourrissants. D’autres indicateurs de santé montrent que la plupart ont souffert, durant leur vie dans la rue, de maladies respiratoires et gastro-intestinales.

La violence est une expérience quotidienne à laquelle ils sont confrontés. Elle vient d’abord de la population en général et ensuite des mesures d’extorsion pratiquées par la police. Comme c’est souvent le cas, les filles sont les plus touchées puisque elles courent le risque de subir en plus une violence sexuelle.

Ce ne sont là que certains des aspects illustrant les conditions dans lesquelles survivent les enfants et les adolescents au Mexique. Cependant, la participation de plus en plus décidée de la population dans les différents lieux et secteurs, laissent entrevoir l’espoir qu’à moyen terme garçons et filles, adolescents de notre pays, contribueront de façon décisive à la construction d’un pays où, dans le cadre d’une vie véritablement démocratique, la paix et la coexistence pacifique deviennent une réalité pour tous.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2305.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : CENCOS, avril 1999.

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