Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2000-2009 > Année 2005 > Mai 2005 > CUBA - Quelques tentatives pour atténuer les inégalités
DIAL 2803
CUBA - Quelques tentatives pour atténuer les inégalités
dimanche 1er mai 2005, mis en ligne par
Pour faire face aux graves difficultés économiques qui continuent de sévir à Cuba, le président Fidel Castro tente la mise en œuvre de « formules socialistes » en faveur de la population la plus affectée. Il semble cependant difficile de répondre aux besoins les plus urgents de la population indépendamment des mérites politiques. Article paru dans IPS, mars 2005.
Plusieurs mesures gouvernementales tentent de contrecarrer les effets de la crise économique cubaine des quinze dernières années, particulièrement parmi les secteurs de la population les plus vulnérables et en danger de paupérisation.
« Le changement fondamental réside dans la priorité que l’Etat a décidé d’attribuer à la consommation individuelle, préférentielle par rapport à celle ayant un caractère social » a affirmé à IPS un économiste qui a préféré rester anonyme.
Le 17 mars, le président Fidel Castro a annoncé la fin proche du « carnet de rationnement », symbole de décennies de distribution subventionnée, rationnée et égalitaire, de certains biens de première nécessité.
On donnera davantage au peuple et la répartition devra se faire dans un esprit de justice et selon des « formules socialistes » dont leur principe est « de cada cual según su capacidad a cada cual según su trabajo, » (« de chacun selon ses capacités à chacun selon son travail, »), a dit le président dans un discours.
Les « formules socialistes » favorisent d’abord les bénéficiaires de pensions à faibles revenus et plus de 257 000 familles qui font déjà l’objet d’une assistance sociale ; elles accordent la priorité aux populations touchées par une sécheresse sévère depuis presque deux ans.
Dans les jours prochains on s’attend à une augmentation des pensions et des salaires des travailleurs de différents secteurs de l’économie.
Parmi les mesures annoncées par Castro, ce mois-ci, au cours de deux discours retransmis par la télévision d’Etat, on relève la distribution de cocottes électriques et d’aliments à prix subventionnés aux familles
Selon l’économiste consulté par IPS, le pays fait face à une accumulation de problèmes d’impact social de grande amplitude et qui se concrétisent par des baisses du niveau de vie et un accroissement des inégalités sociales.
Bien que le système de distribution rationnée par le « carnet de ravitaillement » se soit toujours maintenu, la variété de produits qu’il comportait a sensiblement diminué depuis 1990 et les consommateurs ont de plis en plus recours à d’autres moyens pour préserver les éléments de base du panier de la ménagère. Les marchés agricoles libres et le réseau de magasins d’Etat qui vendent en devises et où, selon des spécialistes, l’impôt payé par les consommateurs (en fait l’augmentation des prix) dépasse les 220 % et grimpe systématiquement, constituent des alternatives.
Castro a également fait référence à d’importants investissements dans le secteur de l’électricité, qui permettraient d’en finir avec les pannes de courant vers le milieu de l’année 2006, ainsi qu’à des initiatives de soutien à la construction privée de logements.
Dans le secteur financier, la Banque centrale de Cuba a diminué de 7% la valeur du peso cubain convertible (CUC, équivalent d’un dollar) par rapport au peso, dans le but officiel de consolider la monnaie nationale. Les opérations de vente ont baissé de 26 à 24 pesos par CUC.
Le salaire moyen mensuel, à Cuba, tourne autour des 260 pesos, selon des sources non officielles.
Parmi les effets de la crise qui a débuté en 1990, Cuba illustre ce que les spécialistes appellent la « pyramide sociale inversée » : un portier d’hôtel, un chauffeur de taxi peuvent avoir des revenus supérieurs à ceux d’un médecin ou de n’importe quel autre travailleur professionnel. L’économiste consulté a estimé que « Dans des endroits comme la capitale, avec 2,2 millions d’habitants, il y a du mécontentement. La vie devient de plus en plus difficile et les gens ne sont pas disposés à revenir au point critique que nous avons vécu au début de la décennie passée. »
Des études réalisées au début de cette décennie à La Havane, ont montré qu’une famille de la capitale peut avoir besoin de jusqu’à sept fois ses revenus salariaux pour satisfaire ses besoins élémentaires.
Plus de 70% de la population cubaine de 11,2 millions d’habitants, vit en zones urbaines. Selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), le pourcentage de population citadine en danger de pauvreté est passé de 6,3 en 1988, à 14,7 en 1996.
Une étude publiée l’an dernier par la CEPAL conjointement avec l’Institut national de recherches économiques de Cuba, reconnaît le rôle de la distribution rationnée d’aliments dans la sécurité alimentaire de ce pays des Caraïbes. Mais la subvention ainsi conçue « touche également les familles indépendamment du niveau de leurs revenus et dans une société où les inégalités sont en augmentation. Cela entraîne un certain déficit de la politique sociale. » Telle est la conclusion de l’étude.
Sonia Gómez, habitante d’un quartier résidentiel de La Havane, a dit : « je comprends que nous ne pouvons pas recevoir tous en quantité égale, mais ce que je voudrais c’est que les aides aillent aux personnes qui en ont réellement besoin, indépendamment de leurs mérites politiques. »
La difficulté réside dans le fait que les revenus ne peuvent pas toujours être évalué à partir des salaires. On considère qu’environ 60% de la population a accès au dollar, essentiellement grâce aux envois des fonds de la part des membres de familles qui habitent à l’étranger ou à des travaux au noir, non déclarés.
La fin de la crise semble encore éloignée, mais à la fin de l’année passée des liquidités ont été injectées dans les caisses de l’Etat. Des économistes estiment que l’Etat pourrait avoir collecté quelque 1,2 milliard de dollars pour une caisse centrale qui regroupe les fonds dans cette monnaie de toutes les entreprises d’Etat et à travers la restriction de la circulation de cette devise sur le territoire national.
Pendant plusieurs jours, la population s’est précipitée pour changer ses économies en dollars pour des CUC, remettant ainsi cette devise entre les mains de l’Etat et recevant en échange, un peso qui n’est convertible que sur le territoire national. « Le dollar a disparu mais rien n’a changé. Avec un salaire, on a de quoi aller deux ou trois fois au marché agricole et tu as besoin de CUC pour acheter de la lessive ou de la purée de tomates dans les magasins qui, il y a peu, vendaient en dollars », a constaté Sonia Gómez.
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2803.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : IPS, mars 2005.
En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.