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AMÉRIQUE CENTRALE - La guerre contre les bandes organisées de jeunes

Edgardo Ayala

lundi 1er décembre 2003, mis en ligne par Dial

La situation des bandes organisées de jeunes est envisagée dans trois pays d’Amérique centrale : El Salvador, Guatemala, Honduras. Des législations répressives se mettent en place, non sans un souci électoraliste de la part des pouvoirs. La tendance dominante est d’accentuer la répression au lieu d’envisager des solutions positives. Article d’Edgardo Ayala, Noticias Aliadas, 8 octobre 2003.


On appelle « Plan manière forte » en El Salvador, « Plan balai » au Guatemala et « Opération liberté » au Honduras les efforts des autorités de ces pays pour combattre les bandes, connues sous le nom de maras .

Les initiatives ont pour dénominateur commun d’augmenter les peines de prison pour les membres de ces organisations. Cependant, au moins dans les cas d’El Salvador et du Guatemala, les mesures ont été motivées par des intérêts électoraux, et il n’y a pas de vision d’ensemble du phénomène.

Ces trois nations sont les plus frappées de la région par des troupes de jeunes qui livrent une guerre sans merci à la bande rivale, laissant sur le chemin un sillage de douleur et de mort.

Il n’y a pas de chiffres exacts sur le nombre de jeunes dans les bandes de ces pays, mais des calculs non officiels indiquent qu’il y en a au moins 35 000 en El Salvador, environ 100 000 au Guatemala et 80 000 au Honduras. La mara Salvatrucha et la mara 18 sont les bandes les plus grandes et elles opèrent dans ces trois pays.

Le premier pays à franchir le pas vers le durcissement des lois contre les bandes a été le HONDURAS. Le 18 août dernier sont entrées en vigueur les réformes pénales approuvées par le Congrès, et qui, pour l’essentiel, allongent l’emprisonnement jusqu’à 12 ans et infligent des amendes jusqu’à 12 000 dollars « aux chefs ou meneurs de maras qui s’associeraient dans le but permanent de commettre des actes constitutifs de délit », selon la version réformée de l’article 332 du Code pénal. Les mesures ont été approuvées à l’unanimité par les groupes des cinq partis politiques présents au Congrès hondurien, à la demande du président Ricardo Maduro, qui a lancé la croisade contre ces groupes.

Un des problèmes découlant de la législation contre les maras, est que beaucoup de jeunes, qui ont appartenu à des bandes, aujourd’hui travaillent, mais la police les arrête pareillement. Pour cette raison, avec la médiation de l’évêque auxiliaire de San Pedro Sula, Mgr. Romulo Emiliani, les ex-membres des bandes ont demandé au président Maduro qu’on leur délivre un certificat pour montrer à la police qu’ils n’appartiennent plus à la mara.

En EL SALVADOR, le président Francisco Flores a lancé le 23 juillet le « Plan manière forte », opération policière et militaire visant à démanteler les bandes. En même temps, il a présenté à l’Assemblée législative un projet de loi dont l’objectif était de proscrire d’un coup les bandes et d’incarcérer leurs membres supposés tels uniquement pour leur aspect extérieur - tatouages et habillement - et non parce qu’ils auraient commis quelque délit.

La proposition gouvernementale a été durement critiquée par l’opposition politique et par des organisations des droits humains. « Le Plan manière forte est une solution populiste conjoncturelle pour faire croire à la population que cette loi assurera la tranquillité dans les communautés », dit un communiqué de l’Institut des droits humains de l’Université centraméricaine José Simeón Cañas.

L’Assemblée législative a repoussé le 4 septembre le projet anti-maras de Flores et l’a remplacé par des réformes du Code pénal, dans la ligne suivie par le Honduras.

Pourtant, la Fondation d’études pour l’application du droit (FESPAD) soutient que ces réformes pénales n’étaient pas nécessaires non plus, car tous les délits dont se rendent coupables les jeunes des bandes sont déjà répertoriés dans les règlements actuels. Par conséquent, la police dispose déjà des moyens légaux pour arrêter ceux qui auraient commis un crime ou un délit, comme viol, homicide, narcotrafic ou vol.
« Point n’est besoin de réformes pénales, encore moins de loi spéciale, tout cela se limite à un spectacle aux couleurs électorales », affirme Jaime Martínez, directeur de FESPAD.

Pour les analystes, la mesure avait, à l’évidence, des visées électorales, étant donné que les élections présidentielles de mars 2004 sont au coin de la rue, et le parti au gouvernement, l’Alliance républicaine nationaliste (ARENA) - qui cherchera à rester au pouvoir pour un quatrième mandat - n’est plus aussi fort qu’à d’autres époques.

Après que les journaux se soient procurés un document officiel de l’ARENA où celle-ci indique clairement qu’elle veut retirer un avantage électoral du Plan manière forte, des membres de la mara Salvatrucha ont tenu une conférence de presse clandestine le 18 août, à San Salvador, pour dénoncer les intentions de l’ARENA de faire de la politique à leurs dépens : « Qu’ils ne se servent pas de la mara Salvatrucha pour mener une campagne présidentielle à moindres frais », a déclaré Skid, qui se cachait le visage avec un mouchoir. « Nous avons des enfants à nourrir. Qui va leur donner à manger s’ils nous capturent par pure politicaillerie ? »

Pendant ce temps, dans le cadre du Plan manière forte, des unités de la police et de l’armée ont arrêté entre le 23 juillet et le 15 septembre un total de 2 145 jeunes accusés d’appartenir à des associations illicites. Martinez souligne l’urgence de chercher une solution complète au problème des bandes, qui comporterait des mesures répressives, mais aussi préventives, ainsi que la recherche d’opportunités pour les jeunes du pays, point sur lequel s’accordent plusieurs analystes.

Le GUATEMALA aussi s’est vu poussé à lancer des mesures répressives similaires pour des motivations électorales, en raison de l’approche des élections présidentielles de novembre. Le 19 août, le député d’opposition Jorge Rosales du Parti de l’avancée nationale (PAN) - de l’opposition - a présenté un projet de loi qui envisage de dures sanctions pour ceux qui appartiendraient à des bandes, sanctions qui vont de 6 à 12 ans de prison.

« Ce type de propositions ne fait absolument rien pour réhabiliter les jeunes ni pour trouver une véritable solution au problème », dit Emilio Goubaud, directeur de l’Alliance pour la prévention du délit (APREDE).
Selon des chiffres de l’APREDE, qui regroupe quatre organisations de défense des droits humains, environ 680 jeunes des bandes ont été arrêtés dans le cadre du Plan balai que conduit la police contre les bandes. « On les attrape pour le seul fait qu’ils sont tatoués, et cela n’est pas un délit », note Goubaud.

L’APREDE cherche à réinsérer les jeunes des bandes en leur offrant des ateliers spécialisés pour qu’ensuite on crée des micro-entreprises, comme des boulangeries, etc. Jusqu’à présent environ 23 de ces micro-entreprises ont été créées, permettant de réinsérer sur le marché du travail quelque 320 jeunes des bandes.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2690.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 8 octobre 2003.

En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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