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DIAL 2580
GUATEMALA - Sortir de la crise du café
Jill Replogle
dimanche 1er septembre 2002, mis en ligne par
Le marché du café connaît une crise sans précédent liée à une surproduction. Elle affecte plus particulièrement le Guatemala, qui en est un des gros producteurs. Dans ce contexte, les solutions proposées par le gouvernement ne font pas l’unanimité, et d’autres propositions ont été élaborées par un collectif d’organisations. C’est ce que présente cet article de Jill Replogle, publié dans le numéro de Noticias Aliadas du 20 mai 2002.
Cette année, nombre des grains de café rouge éclatant, qui sont un élément clé de l’économie guatémaltèque, risquent de sécher sur l’arbre au lieu d’être transformés en bonnes tasses de café. Bien que la crise du café ne soit pas nouvelle en Amérique centrale, elle prend actuellement des proportions dramatiques au Guatemala.
Les paysans, avec parmi eux de nombreux saisonniers travaillant à la cueillette du café, ont installé des campements de fortune dans plus de 25 plantations de caoutchouc et de café du pays. Beaucoup disent qu’ils préfèrent lutter plutôt que mourir de faim. Médias et groupes communautaires ont dénoncé la réponse timide du gouvernement face aux problèmes des paysans et à la famine qui affecte plusieurs départements. Des fonctionnaires du gouvernement ont même reconnu que leurs tentatives pour réduire les effets de la crise du café s’avéraient trop tardives et insuffisantes.
Une coalition de paysans, de producteurs et de diverses organisations sociales a présenté une proposition alternative pour réformer le secteur du café cherchant à rompre avec les politiques d’économie de marché qui ont rendu de nombreux guatémaltèques dépendants de la principale culture d’exportation du pays.
Ce projet se démarque de ceux du gouvernement et du secteur privé en prévoyant des aides aux travailleurs du café sans terre ainsi qu’aux producteurs.
Pour la coalition, qui comprend la Coordination nationale indigène et paysanne (CONIC), le Centre pour l’action légale en droits humains (CALDH), la Pastorale interdiocèsaine de la terre et des organisations de travailleurs, la crise du café doit être l’occasion pour le pays d’établir « les bases d’une transformation du modèle économique d’exportation de matières premières, cause structurelle de la famine qui est aujourd’hui une réalité dans le Guatemala d’aujourd’hui ».
Sa proposition destinée à aider les paysans à obtenir des terres et à développer des stratégies de production commercialisable inclut une formation aux techniques de culture et de vente, des mécanismes cherchant à améliorer les conditions de travail et à garantir que les employeurs respectent les codes du travail et de la santé et la promotion d’activités alternatives sources de revenus, comme l’écotourisme.
Selon Fernando Montenegro, président de l’Association nationale du café (ANACAFE), qui regroupe les producteurs, il est prévu que les exportations de la récolte 2000-2001 chutent de 1,45 million de quintaux de café, ce qui représente une perte de 166,77 millions de dollars par rapport à la récolte antérieure. Il prévoit aussi la perte de quelque 100 000 emplois directs.
La crise actuelle résulte d’une surproduction sur le marché international qui a provoqué l’effondrement des cours du marché du café ces dernières années.
L’augmentation constante de la production vietnamienne durant les années 80, suite aux ajustements structurels encourageant la production destinée à l’exportation, ajoutée à la hausse de production de pays qui traditionnellement n’étaient pas producteurs, ont fini par saturer le marché de la fameuse graine.
En 1991, le Vietnam exportait l’équivalent de seulement 40 % des exportations du Guatemala. En 2000, la situation s’était inversée : les exportations de café du Guatemala ne représentaient plus qu’un tiers de celles du Vietnam.
Les exportations guatémaltèques de café ont chuté de 18,5 % entre la saison 2001/2002 et la saison précédente. La production du mois de janvier a été inférieure de 42 % à celle du même mois de l’année précédente. La consommation intérieure stagne depuis 1991.
La chute des cours du café a accentuée la crise économique. D’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 57,9 % des Guatémaltèques vivent dans la pauvreté. Les 20 % les plus riches de la population accaparent 60,6 % des revenus tandis que les 20 % les plus pauvres en reçoivent 3,8 %.
Le gouvernement a mis en place deux programmes d’aide aux producteurs de café. Le premier consiste en un fonds de 100 millions de dollars pour diversifier les cultures, moderniser la production, développer les marchés et réaménager la dette. Le second est un programme de 2 milliards de dollars du ministère de l’agriculture qui incite les producteurs à substituer au café d’autres cultures.
La coalition s’est montrée critique vis-à-vis des deux programmes constatant qu’ils « ignorent les couches sociales les plus touchées par la crise, celles qui sont au bord de famine et sur le point de perdre leurs terres ».
Pour Úrsula Roldán, représentante de la Pastorale interdiocésaine, de l’Église catholique, les travailleurs du café sont contraints de chercher du travail en ville ou au Mexique. Abandonnés à leur sort, femmes et enfants finissent souvent par travailler dans des grandes propriétés, pour des salaires inférieurs au minimum légal. « Cela conduit à l’éclatement de la famille, à une alimentation déficiente et à l’exploitation des femmes et des enfants », ajoute Roldán. Bien qu’elle considère nécessaire le programme gouvernemental de cultures de substitution, elle doute que les grands propriétaires soient disposés à réaliser des changements. Beaucoup de plantations ont été abandonnées, et l’on suspecte plusieurs propriétaires de s’impliquer dans le trafic de drogues.
Les partisans de la réforme alternative s’interrogent aussi sur la stratégie de réduction de la pauvreté, soulignant qu’elle ne contient aucune mesure concernant les pertes d’emplois liées à la crise du café.
Les pays qui participent à l’aide au développement du Guatemala ont exprimé le souhait que ce plan offre un meilleur accès à la terre pour les paysans.
L’urgence d’une solution pour sortir de la crise du café augmente au fur et à mesure que s’accroissent la famine et le mécontentement dans les campagnes. Montenegro, qui est favorable à une solution politique, considère aussi qu’une correction du marché est indispensable pour refaire du café une culture d’exportation stable. « Nous sommes reconnaissants et apprécions l’aide de la communauté internationale, poursuit-il, mais nous l’apprécierions plus si on achetait nos produits à leur juste valeur. »
Certains pensent que le gouvernement doit prendre une position plus ferme. Dans un document présenté lors d’un forum sur la mondialisation en novembre dernier, Jorge Santos et Byron Garoz, membres du Collectif d’ONG et de coopératives (CONGCOOP), soutiennent que le gouvernement doit assumer à nouveau son rôle de promoteur du développement et ne pas s’incliner devant les forces du marché qui n’ont fait jusqu’à présent que démanteler l’appareil d’État, dont la fonction était de répondre aux besoins en matière sociale.
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2580.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : Noticias Aliadas du 20 mai 2002.
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