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DIAL 2809

VENEZUELA - La télévision se construit au Venezuela

Ronnie Ramirez

mercredi 1er juin 2005, mis en ligne par Dial

Les changements favorisés par le gouvernement Chávez s’étendent désormais à la télévision. Depuis peu, une télévision populaire, ayant pour objectif d’être un lieu de communication des expériences et de débats, a été lancée. C’est ce que nous indique l’article du réalisateur Ronnie Ramirez, envoyé le 15 mai 2005 par le collectif Venezuela 13 avril. En plus de la chaîne ViVe TV dont il est ici question, une autre chaîne appelée Telesur, dont le slogan est « Notre Nord est dans le Sud », résultat d’une coopération entre les gouvernements vénézuélien, argentin, cubain et uruguayen, a commencé à émettre pour donner une information alternative, notamment par rapport à celle diffusée en Amérique latine par la chaîne nord-américaine CNN.


« Un peuple ignorant est l’instrument aveugle de sa propre destruction »

Simon Bolivar

Toutes les élections depuis 1998 prouvent que la majorité des Vénézuéliens soutient le processus révolutionnaire engagé par le président Hugo Chavez Frías. Le pays change, les institutions se renouvellent : « le futur est déjà là ! » peut-on lire sur les murs de Caracas. Les multiples menaces énoncées par l’administration Bush, qui souhaite mettre un terme au processus bolivarien, oblige le gouvernement à accélérer un processus qui embrasse toute une société. De l’agriculture à l’industrie, en passant par l’armée et l’éducation, tous les secteurs sont appelés à ne pas rater ce rendez-vous avec l’Histoire. Hugo Chavez doit trouver des formes efficaces d’organisation, répondre à l’espoir suscité dans les classes populaires et au-delà, être cohérent.

Du journal télé à la telenovela [1], 40 ans de télévisions commerciales ont su imposer un « style ». Elles ont réussi à coloniser l’imaginaire des « téléspectateurs-clients », puisque leur fonction est de consolider la société de consommation et de célébrer le libre marché capitaliste. L’idéologie néolibérale, en pleine agonie, s’agite encore, elle appelle les citoyens à la raison par son instrument le plus efficace : la télévision. Se débarrasser d’une forme télévisuelle normative n’est pas une mince affaire. Il est normal que ces formes désuètes résistent et trouvent encore un « audimat ». Et si Hugo Chávez propose de « réinventer le socialisme de XXIe siècle », il doit aussi réinventer la télévision.

Depuis 2004, la révolution s’est doté d’une nouvelle télé : ViVe TV, Vision du Venezuela. Sa mission est d’informer, d’éduquer et de cultiver. Une tâche qui en théorie n’est pas différente des autres télévisions publiques dans le monde. Le grand apport de cette télévision est d’appuyer son projet sur l’expérience des communautés qui ont fabriqué dans l’illégalité durant des années leurs propres télévisions avec des moyens rudimentaires. L’invisible est désormais visible, ceux qu’on ne voyait pas sont enfin apparus. ViVe est la télévision des communautés. Les ouvriers, les paysans, les Noirs, les indigènes et les prisonniers existent enfin sur les ondes hertziennes.

Intelligente, ViVe TV utilise les éléments qui ont libéré le cinéma documentaire : équipes réduites, matériel de prise de vues léger et l’imagination pour approfondir un langage formel. Des liens d’écoute et d’humilité sont tissés avec les communautés, car on ne filme pas les communautés, on travaille avec elles. Deux à trois personnes séjournent pendant une semaine auprès d’une communauté, ce dispositif favorise l’intégration en son sein, la qualité et même la quantité de programmes générés.

Il ne s’agit plus de répondre ou de démentir ce que les télés commerciales propagent, mais de construire une identité collective par le biais du petit écran, de donner le reflet des expériences d’une vie populaire qui participe à l’évolution d’une réalité nationale. À la tactique défensive et offensive médiatique, on préfère la stratégie qui donnera des fruits à long terme.

La chaîne suit les parcours d’hommes et de femmes organisés dans le monde réel et leur évolution sur les dix années à venir. Les protagonistes des programmes sont donc ces personnages collectifs issus des quartiers populaires, des communautés noires, indigènes et ouvrières. Ici, le feuilleton est celui du pays. On donne à voir aux spectateurs, des programmes qui, tout en dépeignant la réalité quotidienne, assument leur caractère « construit », fruit d’une réflexion sur la réalité. C’est le contraire exact de programmes commerciaux manipulateurs, désireux de faire croire à une réalité qui n’existe pas.
ViVe est un vrai laboratoire où l’on systématise la recherche esthétique et les dispositifs narratifs, où l’on n’impose pas de durée aux programmes. La transmission du savoir n’est qu’une forme donnée aux pratiques du mouvement populaire. C’est aussi une vraie université populaire où le téléspectateur devient actif puisqu’il se pose des questions, car le documentaire en pose. Il n’y a pas de révolution politique sans révolution esthétique. Dans les programmes, toutes les facettes des réalités doivent y être, pour pouvoir donner les instruments pour la compréhension et donc pour la réflexion. Une télévision au service du public et non l’inverse.

ViVe est une télévision publique non-alignée sur les télévisions commerciales, refusant le système d’audimat. Un journal fait par des enfants pour des enfants, des productions indépendantes issues du pays et de tout le continent, des pamphlets poétiques, des captations de groupes musicaux inconnus.

Ou bien, des programmes d’architecture des barrios, des programmes théâtraux qui se montent dans les studios avec des comédiens non professionnels, des recettes de cuisine populaire, des cours d’économie qui ne négligent pas l’humour, des cours de langue indigène, d’histoire, de santé ou de philosophie, ou encore des cours de cinéma.
Tel un long film en continu, des liens organiques sont envisagés entre les différents programmes. Sur le plan idéologique, un pas est également franchi, en insistant au niveau du contenu des programmes sur les éléments qui démontrent un avenir en rupture avec le capitalisme.

Périodiquement des représentants des mouvements sociaux analysent, critiquent et proposent des nouveaux programmes utiles pour les débats internes des organisations populaires. Ainsi, la télévision fait corps avec le mouvement populaire. Les acteurs sociaux reçoivent aussi une formation de prise de vues. L’information fabriquée par ceux qui connaissent au mieux une réalité offre une meilleure analyse. Des ateliers de formation techniques et cinématographiques sont donnés en permanence afin d’éviter le piège confortable de l’académisme.
Dans le dynamisme quotidien de cette télévision, s’est inséré le modèle de développement endogène et de démocratie participative. Ce qui implique des forums de discussions avec des propositions de solutions. Du chauffeur au technicien, en passant par les journalistes, tous participent au dessein de cette nouvelle chaîne.

N’y a-t-il pas ici, la concrétisation d’un vieux rêve de cinéastes ? N’y a-t-il pas ici, une expérience digne d’être connu de tous ? Pourquoi ne l’est-elle pas ?

Entre temps, loin des caméras internationales et des correspondants étrangers, le processus révolutionnaire suit son cours dans le reste du pays : on construit des structures sociales, on alphabétise, on nationalise. On change la vie des gens les plus pauvres, on leur construit des maisons, on leur apporte des services de santé gratuits, ou encore, on forme et diplôme ceux qui n’ont jamais pu entrer dans une université. On distribue Don Quichotte de Cervantes gratuitement dans les rues, on crée des coopératives, on crée des modèles de production pour ouvrir la voie à un nouveau système économique, les gens reviennent travailler dans les champs, on bannit les OGM, on...


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2809.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : collectif Venezuela 13 avril, mai 2005.

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[1Feuilleton à l’eau de rose.

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